Tout accident de la route est évitable. Voilà pourquoi la prévention est essentielle.
Tout accident de la route est évitable. Voilà pourquoi la prévention est essentielle.
À table, une chaise reste désespérément vide. Une chambre à coucher trop bien rangée que pour être vivante. Une veste qui ne bougera plus jamais du portemanteau. Plus de "Salut papa" ni de "Bisous maman".
À table, une chaise reste désespérément vide. Une chambre à coucher trop bien rangée que pour être vivante. Une veste qui ne bougera plus jamais du portemanteau. Plus de "Salut papa" ni de "Bisous maman". En une seconde, le monde a basculé. Un enfant a été blessé sur le chemin de l'école. Comme 12 autres chaque jour. Avec parfois, un décès à déplorer. L'association PEVR (Parents d'Enfants Victimes de la Route) a été fondée en 1995 par des parents meurtris afin de procurer aide et soutien aux familles endeuillées par la perte d’un enfant. Elle s'efforce d'améliorer la sécurité routière et le professionnalisme dans l'accueil des proches. Un but louable qui méritait une interview.
L'association PEVR est née suite à un cri de détresse de plusieurs parents. Mais son appel en faveur de la sécurité routière et d'un meilleur encadrement des proches a séduit d'emblée. En 2005, elle recrutait son premier salarié. Six autres l'ont entretemps rejoint, et le groupement compte à présent quelque 500 familles affiliées, dont une centaine en Wallonie.
Sara Sweeck et Annita Van Gucht y sont coordinatrices, tandis qu'An Vandeborne dirige depuis peu l'association. Elles nous font l’honneur de nous en expliquer le fonctionnement.
À l'analyse des chiffres d'accidents de la route, une ASBL comme la vôtre semble vraiment indispensable.
Sara : "Chaque victime de la route est une victime de trop. La particularité de notre association, c'est d'exister pour et par ses affiliés. Annita et moi-même encourageons les rencontres mutuelles, ce qui est vraiment essentiel, car seuls les parents qui ont vécu un drame similaire peuvent imaginer la souffrance de perdre un enfant de façon aussi cruelle. Nos compagnons d'infortune, grâce à nous, bénéficient d'un soutien différent de celui prodigué par les proches et les collègues. Un tabou pèse souvent sur ce deuil, même si la société évolue à ce niveau."
Annita : "Nous organisons des activités dans chaque province, comme des groupes de paroles, des promenades, des ateliers ou des week-ends pour renforcer les contacts mutuels. Et nous soutenons des projets. Je pense notamment au film Nowhere du réalisateur Peter Monsaert, avec dans le rôle principal l'acteur belge Koen De Bouw. Quelques parents de l'association ont participé à l’écriture du scénario. Nous avons ensuite visionné le film en présence des acteurs et du metteur en scène. Des parents ont eu la chance de discuter avec eux."
Pourtant, ce premier pas vers vous ne semble pas forcément évident.
An : "Les services de police et les CAW (Centres flamands de bien-être), avec qui nous collaborons pour améliorer l'accueil des victimes ou des parents proches, relaient les intéressés vers nous. Certains parents nous contactent 2 semaines après le décès de leur enfant, pour d’autres cela requiert des années. Nous ne faisons jamais ce premier pas nous-mêmes, nous attendons que les parents concernés ressentent en leur cœur le besoin de s'adresser à nous, lorsque le temps est mûr pour cela. Le premier contact est un appel téléphonique de Sara ou d'Annita, pour évaluer les besoins des parents. Ensuite, nous nous rendons éventuellement chez eux, mais toujours accompagnés d'un autre parent qui a déjà vécu la même situation. Vous l'aurez compris, c'est pour faciliter les rencontres ultérieures."
Annita : "Celui qui désire renforcer ses contacts retrouvera le même parent lors de la première activité. Y participer est évidemment facultatif. Certains affiliés se contentent de la revue que nous publions plusieurs fois par an. Et c'est très bien ainsi."
Faire fonctionner une telle association est une chose, mais vous démenez-vous également en faveur de la prévention routière ?
An : "Comme j'avais déjà de l'expérience professionnelle en tant que coordinatrice de projet, je savais que la sensibilisation de la société et des autorités revêt une importance cruciale pour s'attaquer aux problèmes fondamentaux et structurels. Cela vaut aussi pour PEVR. Les parents qui perdent un enfant sont victimes d'une injustice. Un accident de la circulation demeure toujours évitable. C'est pourquoi la prévention est si importante. Et au regard des chiffres, on se rend compte que malgré nos efforts, il reste beaucoup de pain sur la planche…"
Annita : "Nous unissons nos efforts à celui d'autres associations, par exemple pour étendre le congé de deuil de 3 à 10 jours. En Flandre, nous avons contribué à la création des États généraux pour améliorer l'accueil et l'encadrement des victimes de la circulation routière. Mais le permis à points (un autre de nos objectifs) est encore dans les tiroirs."
Élaborez-vous régulièrement des campagnes pour conscientiser les conducteurs ?
Annita : "Bien entendu. Changer la politique ne suffit pas, il faut également faire évoluer les mentalités de ceux qui prennent le volant. Vous souvenez-vous de la campagne non-Bob il y a quelques années ? On distribuait aux chauffeurs en infraction lors d'un contrôle d'alcoolémie un porte-clefs BOB indiquant le nom d'un enfant tué sur les routes."
Sara : "Peut-être connaissez-vous aussi nos panneaux SAVE, que nous disposons aux endroits d'un accident mortel à titre de solidarité avec les proches du défunt. C'est un appel à tous pour améliorer la vigilance au volant."
An : "Nous avons récemment diffusé le film 'De Weg’, conçu comme une fiction en plusieurs épisodes. D'après les statistiques, il semble que 7 % des conducteurs regardent des films ou séries en streaming en conduisant ! Inutile de préciser les conséquences possibles !"
Sara : "Ce qui distingue vraiment notre association, c'est que chez nous, les chiffres et statistiques ont un visage. Les cas qui nous sont relatés sont malheureusement authentiques. Cela pousse à la réflexion. Il est vraiment indispensable de poursuivre les efforts en faveur de la sensibilisation et de la conscientisation."
Le saviez-vous ?
- La majorité des accidents de la circulation sont à déplorer sur les bretelles d’entrée et de sortie d’autoroutes et à proximité du domicile.
- Les statistiques de mortalité sur les routes ne tiennent compte que des décès dans les 30 jours après l'accident. De ce fait, les chiffres réels sont sans doute nettement supérieurs.
- Depuis sa fondation, l'association PEVR a mis en contact plus de 2000 parents et proches d'enfants décédés.
- Le panneau commémoratif SAVE pour Adeline en 1996 était le tout premier d'une longue série.
- Le nombre d'accidents mortels de la circulation durant les nuits en semaine, et surtout le jeudi, a augmenté par rapport à l'an dernier.
Ludo est bénévole pour PEVR
Göran Robijns est décédé en 2010, suite à un accident de la route lors d'une froide soirée hivernale. Il se rendait chez son amie après un match de football. Pour ses parents et sa sœur – Ludo, Régine et Kirsten Robijns –, il aura toujours 24 ans. Après ce drame familial, ils ont sollicité PEVR comme soutien pour leur deuil. Ludo, le papa, s'est ensuite engagé et y est désormais actif en tant que bénévole. Il espère par son action contribuer à rendre les routes plus sûres et faire en sorte que son fils ne soit pas décédé pour rien.
"Göran était un épicurien, qui débordait de joie de vivre. C'était un fils intelligent, rieur, reconnaissant, agréable et surtout très gentil", commente Ludo Robijns. "À la fin de ses études, il était devenu inspecteur de police à Looz, en Limbourg. Il exerçait son boulot avec passion. Il consacrait son temps libre au football et aux plaisirs de la vie. Aujourd'hui, je témoigne bénévolement 2 à 3 fois par an auprès des agents de police en formation, pour une séance de perfectionnement à l'aide aux victimes. Cela m'apporte une grande satisfaction, juste parce que Göran était lui-même policier. De la sorte, j'ai la sensation de faire encore quelque chose pour lui, même s'il nous a quittés depuis longtemps. Avec PEVR, nous organisons des marches débats, des inaugurations de panneaux SAVE, des activités diverses. En tant que membre actif, j'œuvre à plus de sensibilisation à une conduite raisonnée."
Implication
Les membres de PEVR ont beaucoup d'occasions de se rencontrer. Ils s'aident les uns les autres durant le deuil, en apportant réconfort et compassion, chacun à sa manière. "Nous partageons nos expériences et nos impressions, nous nous comprenons très bien les uns les autres", déclare Ludo. "Le niveau d'implication est grand : nous nous soutenons et écoutons mutuellement. Et nous accueillons de nouveaux membres. Car hélas, chaque année de nouveaux parents sont victimes de cette tragédie. Je me souviens encore de ma première activité ici. Parler de ce qui m'était arrivé demeurait difficile, mais j'ai beaucoup apprécié pouvoir entendre les récits des autres et avoir l'impression d'être compris. À mon tour, j'essaye aujourd'hui d'apporter quelque chose à autrui. Il s'agit parfois d'être à l'écoute, ou plus humblement de préparer le café pour un groupe de parole."
Selon Ludo Robijns, les cours de conduite automobile de ProMove peuvent contribuer à améliorer la sécurité routière. Il cite plusieurs exemples d'apprentissages utiles : garder ses distances avec le véhicule qui précède, changer de direction suffisamment tôt sur l'autoroute, faire attention à l'angle mort, diminuer sa distance de freinage, avertir d'un danger avec les feux de détresse… "La séance de mise à niveau, obligatoire en Flandre, est selon moi une excellente chose pour conscientiser davantage les jeunes automobilistes aux périls de la route."
Après avoir vécu un tel drame, Ludo a-t-il changé d'attitude au volant ? "Respecter la vitesse maximale, ne pas conduire après avoir bu, ne jamais employer de smartphone ni de tablette au volant : ces principes étaient déjà évidents pour moi. Mais je trouve également très important d'adapter mon comportement aux conditions météorologiques. Et à ce titre, un cours de glisse ou d'aptitude à la conduite peut s'avérer précieux. Je sais que cette question est idiote, mais je me demande parfois si notre fils serait resté en vie s'il avait su comment mieux réagir à cette funeste plaque de verglas."